3 questions à Martin Bobel

3 questions à Martin Bobel
Impacts de la crise sanitaire, dynamisation des territoires, état des lieux du réemploi en France… Martin Bobel, vice-président au plaidoyer du Réseau national des Ressourceries apporte un éclairage sur les défis rencontrés actuellement par les ressourceries et la nécessité de tout faire pour les préserver.

1 – Que peut faire une ressourcerie localement pour dynamiser un territoire ? 

J’utilise souvent l’image de la boîte à outils pour décrire l’impact des ressourceries sur les territoires. 

Une ressourcerie, c’est une boîte à outils citoyenne. Quand on collecte autant d’objets destinés à la poubelle, on a entre les mains la capacité de soutenir un maximum d’initiatives. Le matériel collecté peut servir à soutenir une multitude d’activités présentes sur le territoire telles que des salles de spectacle, des crèches grâce à la collecte de jouets, des petites entreprises qui s’installent mais aussi la commande publique par l’ameublement des écoles, des bureaux administratifs… Une ressourcerie permet de rayonner sur les besoins matériels d’un territoire.

Une ressourcerie, c’est évidemment une boîte à outils sociale. Elle permet aux foyers les plus pauvres de s’équiper à bas coût en proposant des biens socialement et écologiquement responsables. Les ressourceries travaillent également régulièrement avec des associations locales qui apportent une aide d’urgence et des ressources de première nécessité à ceux qui en ont besoin.

Une ressourcerie, c’est un vivier d’outils économiques. En comparaison, les ressourceries sont des structures très denses en emploi par rapport aux autres modes de traitement des déchets. Quelques chiffres pour éclairer mon propos : à quantité égale de déchets traités une ressourcerie crée :

  • 10 fois plus d’emplois que le marché de la seconde main
  • 27 fois plus d’emplois que la filière du recyclage
  • 280 fois plus d’emplois que l’incinération
  • 850 fois plus d’emplois que l’enfouissement

À cette forte densité s’ajoute le fait que ce sont des activités qui sont extrêmement adaptées pour embaucher des personnes éloignées de l’emploi. Nombre d’entre elles sont des structures d’insertion et mènent un travail remarquable au quotidien. Par le réemploi, les ressourceries participent également au redéveloppement de métiers délaissés ces dernières années et qui vont devenir indispensables pour faire face aux résiliences de demain. Cela concerne principalement les métiers artisanaux de la réparation, de l’identification des pannes, de la menuiserie, de la mécanique et de l’électronique. Elles contribuent ainsi pleinement à développer les savoir-faire locaux et à préserver les richesses sur les territoires. Comme ce sont des structures à but non lucratif, lorsqu’il y a un excédent, celui-ci est réinvesti localement ce qui profite à tout le monde.

C’est également une boîte à outils sociétale. Comme les ressourceries sont des associations qui rassemblent des communautés d’usagers, des personnes qui s’engagent, leur répercussion sociétale est extrêmement forte. Les gens apprennent à travailler ensemble et y prennent du plaisir. Quand des besoins particuliers ou des situations de crise adviennent, ils savent apporter une réponse collective au problème. Pendant le premier confinement, les ressourceries ont été parmi les premières à s’activer pour créer des masques avec les textiles des vêtements collectés. 

Enfin, une ressourcerie c’est une boîte à outils culturelle. Par leur foisonnement d’activités au niveau local, les liens sociaux qu’elles tissent et les actions de sensibilisation qu’elles mènent, les ressourceries participent depuis plus de vingt ans à l’évolution des mentalités sur le réemploi et la seconde main. Plus que de promouvoir les petits gestes écologiques à l’échelle individuelle, elles apportent une réponse collective aux défis sociaux et environnementaux à venir.

2 – Comment se porte le réemploi en France et est-ce que vous collaborez avec les autres acteurs du réemploi solidaire ?

Le réemploi se porte plutôt très bien. Le marché du réemploi est en pleine expansion et les associations du réemploi connaissent une croissance exponentielle. 

Il est important de distinguer le réemploi marchand du réemploi solidaire. Le réemploi marchand consiste à utiliser des objets de seconde main pour développer une activité économique à but lucratif, là où le réemploi solidaire, porté notamment par les ressourceries, utilise des objets de seconde main à des fins d’intérêt général comme celles que j’ai expliquées précédemment. 

Aussi, le développement croissant du réemploi marchand pourrait présenter une menace pour les structures du réemploi solidaire. C’est pourquoi il est absolument nécessaire que les politiques publiques protègent les acteurs historiques du réemploi solidaire au nom de toutes les externalités positives qu’il permet.  

Nous collaborons énormément et de plus en plus avec les autres acteurs du réemploi solidaire tels que Emmaüs France, la Fédération ENVIE, l’Heureux Cyclage, Tissons la solidarité, le Secours Catholique… Nous espérons que d’autres acteurs du réemploi solidaire viendront nous rejoindre dans les années à venir pour faire entendre à l’échelle nationale l’absolue nécessité de préserver et de développer un réemploi solidaire qui répond à des problématiques de société globales. 

3 – Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire et du reconfinement sur les ressourceries ?

Si lors du premier confinement le chômage partiel a permis d’éviter de grosses pertes d’emplois et des fermetures de ressourceries, les conséquences restent très préoccupantes pour nos structures. 

Le premier confinement a généré une perte de chiffre d’affaires estimée à 80 millions d’euros pour le secteur. Le plan de relance comprend une enveloppe pour les acteurs du réemploi trop faible pour espérer contenir les conséquences de la crise.Mais on se rend compte que c’est dans les situations de crise que nos associations se révèlent absolument essentielles. Elles sont nombreuses à mettre en œuvre des actions de solidarité et les gens qui les composent sont sur le front pour endiguer les effets néfastes de la période que nous traversons. Certaines proposent du click&collect, nous avons récemment entamé un partenariat avec le site Label Emmaüs où nombre de nos ressourceries vendent leurs objets. Certaines ont également besoin de votre générosité. Soutenir les actions des ressourceries, participer aux collectes de fonds, proposer votre aide de toutes les manières possibles sont autant d’initiatives bienvenues en ce moment. Les ressourceries vivent grâce aux personnes et grâce à leur engagement. Il est plus que jamais nécessaire de les aider à traverser cette période difficile.

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