Nous y voilà ! Je suis fin prête à être proposée à la vente. Sur le point de faire mon entrée dans la cour des grands, je ne cache pas mon excitation.
A mi-chemin entre la galerie d’exposition et la boutique fourre-tout, l’espace de vente est à l’image de toute la ressourcerie. Face à moi, le présentoir à vaisselle où se côtoient services complets à l’ancienne, assiettes et verres peints à la main par les salariés de la ressourcerie et vaisselle basique à petit prix. À ma droite, je reconnais entre mille les pas de Betty qui déambule entre les rayons textiles où sont rangés vêtements, chaussures, accessoires, linge de table et de maison. Derrière moi se trouvent les instruments et partitions de musiques, les vinyles et le matériel informatique, audiovisuel et téléphonique. Qui a dit que les ressourceries n’étaient pas connectées ? Tout au fond sur ma gauche, j’aperçois le rayon bricolage et jardinage où sont aussi présentés les articles de sport et de loisirs. À l’entrée, les étagères pleines à craquer de livres, de DVD et de disques collectors attirent les curieux. Rangée aux côtés des petits et gros mobiliers, tout près de l’électroménager, j’attends l’ouverture des portes avec impatience.
Les premiers visiteurs entrent dans la boutique. Il y a les habitués qui savent ce qu’ils cherchent et ne perdent pas de temps, ceux qui flânent et font trois fois le tour de tous les rayons, ceux qui fouillent sans relâche et retournent les vêtements pour trouver la perle rare, les enfants qui courent au rayon jouet comme le matin de Noël. La journée passe et à chaque fois que quelqu’un s’approche de moi, je frémis. M’adoptera, m’adoptera pas… Je ne peux m’empêcher d’imaginer à quoi ressemblerait ma vie si c’était ce monsieur qui m’achetait ou bien cette dame, ou celle d’encore avant.
La journée touche à sa fin quand, quelque part derrière moi, j’entends une voix s’exclamer. Un monsieur surgit devant moi les yeux écarquillés. Il me scrute de tous les côtés, me porte, s’assoit sur moi, recule et recommence le tout une bonne dizaine de fois avant d’affirmer à haute voix : elle est parfaite. Ni une ni deux, me voilà dans ses bras.
Le temps de l’encaissement, Carmen, l’une des salariées, s’empresse de raconter mon histoire à Joël, mon nouveau propriétaire. « Vous vous rendez compte ? Abandonner une chaise pareille encore en super état, ça aurait été vraiment dommage ». Joël acquiesce et se dit encore plus heureux de m’acheter.
Un dernier regard vers les copains et les copines de la ressourcerie, on se retrouvera peut-être dans quelques années pour une autre vie !