La porte du grand hangar s’ouvre et laisse passer un filet d’air glacial entre mes pieds, une nouvelle journée commence à la ressourcerie. Les personnes s’activent autour de moi. Elles chargent, déchargent, trient les nouvelles arrivées. Des meubles sont emmenés dans des pièces adjacentes et ne reviennent pas. L’armoire style Louis XV a été mise à la vente. Elle partira bien vite d’après le monsieur qui l’a déplacée.
J’aperçois la dame qui m’a récupérée hier sur le bord de la route. Elle porte un bleu de travail et semble bien connaître les lieux. Là voilà qui parle avec un jeune homme. Je ne peux m’empêcher d’écouter sa conversation. Elle s’appelle Betty et travaille à la ressourcerie depuis trois ans. Avant ça elle a fait plusieurs boulots alimentaires, de quoi payer les factures. L’école ça n’avait jamais été vraiment son truc. Elle, ce qu’elle aime, c’est les vêtements. Elle en a tellement que ça déborde de son placard ! Elle aurait bien aimé être couturière, travailler dans des grandes maisons mais bon les formations étaient toutes loin et puis des accidents la vie ont fait que… Alors quand elle est arrivée à la ressourcerie c’était comme une seconde chance qu’on lui offrait. Au début, elle ne faisait que le tri des vêtements avec l’aide de Patrice, le chargé d’insertion. Et puis petit à petit, elle est montée en compétences sur les tissus et maintenant c’est elle qui dirige tous les apports textiles ! C’est pas couturière mais c’est vraiment un chouette boulot et puis elle rencontre tous les jours des gens qui viennent donner et récupérer des objets. Son franc parler et son naturel font des merveilles, même sous le masque de rigueur ces temps-ci. Des fois les gens donnent des vêtements en superbe état et de marque en plus. Un petit nettoyage et c’est plié !
« Tu vas voir tu vas te plaire. Ici, on partage plus que des bons moments » dit-elle au jeune homme pour finir. « Viens, je vais te montrer l’atelier » .
C’est donc ça cette atmosphère chaleureuse que j’ai sentie en arrivant ! Je commence à comprendre que j’ai mis les pieds dans un lieu unique où la bienveillance est de rigueur à l’égard de toutes et tous et même des objets. Qui aurait cru qu’on faisait encore des endroits comme ça de nos jours ? Je ne suis toujours pas bien sûre de ce qu’ils vont faire de moi mais je suis confiante. Après tout, maintenant j’ai la vie devant moi.